L’auteur explique, dans cette interview, les travers du matérialisme et son impact sur les hommes et les femmes dans notre société, sur l’avenir même de nos us et coutumes.
Nana Ardo, radio Fm 94, 2020
Vous semblez souligner que le célibat forcé est en vogue au détriment du mariage forcé, à quoi renvoi, pour vous, la notion de célibat forcé?
Le célibat est un phénomène subit par la majorité d’hommes et de femmes. Quelque chose qui ne résulte pas d’un choix conscient et délibéré et qui n’est pas vécue dans la joie apparaît comme une sorte de punition. Aujourd’hui, dans la société de consommation où le mariage devient essentiellement un moyen d’accès aux statuts sociaux et aux revenus, il n’est pas donné à tout le monde, à la fois, de se marier et de conserver son (sa) conjoint (e). Avant on obligeait des individus qui ne s’aimaient pas à se marier. Aujourd’hui, la société industrielle renferme des contraintes qui obligent les humains à rester célibataires malgré eux.
Quelle différence entre célibat forcé et mariage pour tous ?
Le mariage pour tous est un autre sujet qui n’a aucun lien avec mon livre qui s’interroge quant à lui, sur la faillite dans les rapports hommes femmes pour la survie de l’humanité.
Vous semblez relever que le découragement au mariage est en partie dû à l'explosion du nombre de divorces. Pour avoir étudié le sujet, qu'est ce qui peut expliquer cet autre phénomène?
Je constate plutôt que les divorces et les hésitations à s’engager sur la voie du mariage reposent essentiellement sur la féminisation partielle et complète des hommes à 80% d’une part, et la masculinisation des femmes également à 80% d’autre part. La honte d’être femme et la peur d’être homme expliquent la société sans maris, ni épouses à laquelle nous assistons avec joie ou avec tristesse, cela dépend des systèmes de valeurs.
Vous évoquez un autre concept que vous appelez le matérialisme masculin, qu'est ce qui caractérise et détermine cette nouvelle tendance chez les hommes?
Ce sont les combats féministes qui ont fabriqué ce type de mâle. Deux ou trois décennies en arrière, on ne parlait pas de gigolos. En fait, ce sont les luttes féministes qui ont modifié la perception que la société a de la femme désormais. Si la femme peut déserter certains de ses rôles originels pour les confier aux nounous afin d’investir l’espace public pour se réaliser, alors elle sera capable d’endosser les mêmes responsabilités de mâle par la même voie d’imitation de rôles. En un mot, si la femme n’a plus besoin de protection et d’assistance de l’homme, cela sous-entend que la femme aussi peut protéger et assister l’homme. Alors, au moins 80% d’hommes cherchent à dépendre des revenus de femmes soit partiellement soit totalement, selon qu’il s’agisse de féminisés partiels ou de féminisés complets, désignés respectivement comme gigolos primaires et gigolos confirmés dans le livre.
Est-ce vraiment un phénomène nouveau?
Les gigolos sont nouveaux dans la société. Quand les femmes ne trouvaient pas leurs rôles originels rétrogrades, les hommes dépendaient toujours d’elles, mais pas matériellement. Aujourd’hui, la femme est obligée de travailler pour s’occuper matériellement d’un homme en partie ou entièrement. A défaut, c’est le célibat involontaire.
Quelle est la différence entre ce comportement masculin que vous semblez désapprouver et le matérialisme féminin que vous abordez également?
En fait, le féminisme amène la femme dans l’espace public pour qu’elle soit indépendante financièrement. Mais dans le même temps, la femme, même quand elle travaille, méprise le gigolo. Elle cherche à épouser l’homme qui dispose des ressources trois fois ou quatre fois supérieures aux siennes. Cela veut tout simplement dire que le féminisme vise à associer le salaire de l’homme et de la femme pour renforcer le consumérisme féminin. Etre à l’abri des besoins tout en visant l’homme fortuné ; c’est de l’hyper matérialisme. Entre temps, les gigolos déguisés simulent les mâles dominants. Cela fragilise les mariages fondés au gré des calculs.
Dans un univers marqué par le capitalisme, ne faut-il pas considérer que le matériel et l'individualisme soient dans l'ordre des choses ?
Oui tout à fait. C’est une oligarchie capitaliste qui instrumentalise les rêves féministes pour booster la consommation et l’accroissement des capitaux. Dès lors qu’une femme dispose des revenus, pour qu’elle respecte un homme, ce dernier est obligé de se situer largement au-dessus d’elle en termes de statuts sociaux et de revenus. Les capitalistes ont compris que pour la croissance illimitée, il faut créer chaque jour des désirs. Chaque désir devient un besoin. Alors les seuls revenus d’hommes ne suffisent pas. Il faut en plus des hommes, des esclaves supplémentaires pour la société de consommation : les femmes. En réunissant les salaires d’hommes et de femmes tout en instaurant la course folle vers « les réalisations » ou « la réussite », le concept de croissance est assuré.
Comment arrivez-vous à considérer que ces dérives de la société africaine que vous exposez soient une résultante du féminisme?
C’est clair, le féminisme a produit des femmes hyper matérialistes à 80% et les hommes gigolos à 80% au moins. Les femmes imitent leurs rôles originels sans les jouer à fond tout en imitant les rôles d’hommes dans l’espace public. Pareillement, les hommes simulent leurs rôles sans aller au bout en imitant les femmes, en cherchant leur protection matérielle. Nous avons 80% d’hommes et 80% de femmes qui ne séduisent que pour du sexe et qui ne pourront que contracter entre eux des mariages vides de sens et de contenus. La preuve, ces mariages ne durent plus.
Pour réduire le phénomène du célibat, est ce que vous vous alignez derrière ceux qui optent pour la polygamie ? Sinon quelles solutions préconisées vous ?
La polygamie constitue tout un sujet. Et c’est intéressant de voir des femmes dites émancipées convoler en justes noces en tant que deuxième épouse ou troisième. Les hommes puissants matériellement avec des statuts sociaux majeurs sont capables d’épouser autant de femmes féministes ou traditionnelles. Mon livre aide les individus à ne pas perdre leurs temps. C’est l’élément essentiel de mon livre. Je ne le dévoile pas ici, on doit me lire pour découvrir cet élément.
Couverture du livre "Pourquoi tant de célibataire parmi nous" de Nana Ardo
Propos recueillis par Claudel Tchinda